Pierre de Firmas

Enedis est un acteur majeur de la distribution électrique en France, avec notamment un intérêt évident à développer l’installation de bornes de recharge dans les parkings des copropriétés. C’est un processus bien lancé, tant mieux, au cœur d’un investissement global de « 4 milliards d’euros par an pour moderniser le réseau et réaliser de nouveaux raccordements », nous a expliqué Pierre de Firmas, le Directeur Mobilité Électrique d’Enedis. 

Chez Tesla Mag, nous aimons quand des grands dirigeants ou des hauts responsables impliqués dans les nouvelles mobilités nous expliquent en détails où ils en sont dans leur développement et ce qu’ils projettent pour l’avenir. Voici donc la première partie d’une interview-fleuve pour la communauté Tesla Mag. La deuxième partie sera diffusée la semaine prochaine.

Tesla Mag: Pouvez-vous, en quelques mots, nous définir le positionnnement d’Enedis dans la mobilité électrique ?

Pierre de Firmas (Enedis): Enedis est le gestionnaire du réseau en France sur 95% du territoire, c’est vraiment un service public et sa mission est bien connue. En général, les gens voient les voitures bleues après les tempêtes, se rendent compte de cet engagement là pour l’opération, le maintien et la réparation du réseau. Mais aujourd’hui, la grande affaire, c’est la transition écologique et donc le rôle des grands acteurs de l’économie française pour décarboner l’économie. En France, nous avons un rôle-clé à jouer, notamment parce que les ENR (Énergies Nouvelles Renouvelables) sont connectées massivement aux réseaux de distribution. Et comme le transport représente 30% des émissions de CO2, décarboner l’économie ça veut dire, forcément, décarboner le transport. L’électrification, c’est quand même le vecteur le plus efficace pour y arriver.

Tesla Mag: D’où l’intérêt de favoriser la recharge des véhicules sous toutes ses formes ?

Pierre de Firmas (Enedis): On ne change pas juste les véhicules, mais on change le fuel. Ce fuel-là, il faut aller le prendre là où il se trouve et donc, à un moment, il y a une connexion au réseau de distribution des infrastructures de recharge. Donc, nous, la mission que nous nous sommes donnée pour jouer pleinement notre rôle, ce n’est pas juste d’attendre la demande de raccordement, et après d’y répondre, mais de favoriser ce déploiement à grande échelle de la mobilité électrique, l’accélérer et y jouer toute notre part. C’est pour cela que nous avons créé une équipe spécifique chez Enedis, dont j’ai la charge, qui est chargée d’entraîner l’action dans toutes les directions régionales qui couvrent tout le territoire. Cette équipe s’emploie à identifier les freins et les obstacles. On en vient évidemment au résidentiel collectif, qui est un peu un caillou dans la chaussure…

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Tesla Mag: Justement, sur ce point bien précis, où en êtes-vous actuellement ?

Pierre de Firmas (Enedis): On raisonne par usage de l’électricité et c’est un usage de l’électricité qui est vraiment passionnant. Dans les années 60, on a fait progresser le réseau pour le développement de tous les usages, notamment les lave-vaisselles, les Français se sont équipés, il a fallu suivre. Ce n’était pas très compliqué. Ici, on a un usage qui est mobile, qui peut se balader et qui est un point de consommation, mais peut aussi être un point d’injection, un peu comme le développement des ONR dont je parlais. Ça nous pose des challenges parce que c’est assez nouveau. La mobilité électrique questionne beaucoup de choses sur ce qu’on a l’habitude de faire. Et ça, c’est passionnant. Le comptage est bousculé parce que tout d’un coup, on a des trucs qui bougent. Ca explique aussi les moyens qu’on y met, parce qu’on y met vraiment des moyens.

Tesla Mag :Est ce qu’il y a une accélération qu’on va voir, qui va être visible par le consommateur ?

Pierre de Firmas (Enedis): Oui. Moi, je pense qu’il y a quelque chose qui se passe. Et nous sommes déjà des acteurs de cette accélération. Prenons les grands axes routiers, l’anxiété de tomber en rade. Et donc l’équipement des grands axes routiers, des autoroutes, en infrastructures de recharge. Nous ne sommes pas les seuls, mais nous avons pris le taureau par les cornes avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes, pour les aider à faire un plan d’équipement qui soit rapide. Nous avons un rôle important là-dedans parce que nous disposons de toutes les données leur permettant de dimensionner la puissance nécessaire sur chaque sur chaque aire d’autoroute. Nous avons  signé des conventions avec ces sociétés d’autoroutes pour réduire au maximum les délais. 

Tesla Mag: Vous aviez déjà l’expérience des ports…

Pierre de Firmas (Enedis): Dans tous les ports, c’est aussi de la mobilité électrique, de l’électrification des transports. Les bateaux à quai, ce sont des sources de pollution considérable. Ils émettent du CO2, ils émettent aussi plein de particules en faisant tourner leurs moteurs pour toutes les facilités qu’ils ont à bord. Nous avons entrepris un plan d’électrification des quais pour permettre aux bateaux à quai de fonctionner avec un maximum d’énergie électrique. Ce sont aussi des travaux de renforcement, d’études, il faut essayer d’anticiper au maximum.

Silex
Programme Silex

Tesla Mag : La grosse différence avec le développement de la mobilité électrique, c’est qu’elle donne vous donne le moyens d’être en prise directe -sans jeu de mots- avec le client final. Et c’est la grande modification du paradigme entre l’essence et l’électrique. Mais pouvez-vous éclaircir, pour les membres de notre communauté, le lien entre Enedis et RTE ?

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Pierre de Firmas (Enedis): Ce n’est pas évident. Il y a un déficit de compréhension, mais c’est parce qu’il y a un déficit d’explication. Pour avoir un marché de l’électricité. Il faut en produire. Et pour la transporter avec des hauts niveaux de tension, sur les lignes à haute tension, c’est RTE qui, en France, a la charge du transport. Mais quand on arrive à la moyenne tension, c’est le distributeur qui a la charge de faire l’acheminement de l’électricité jusqu’au client final. Donc la distribution, en fait c’est le niveau de tension inférieur au transport. Finalement, c’est le réseau le plus important, évidemment en longueur. Ça va jusqu’à la basse tension. Nous, on opère, on maintient et on investit sur un patrimoine qui appartient aux collectivités locales. C’est public et c’est l’État. 

Tesla Mag : Dans notre communauté Tesla Mag, nous avons très peu de personnes en copropriété, et beaucoup qui ont une maison individuelle. Ils sont très au fait de la problématique du solaire, et même en avance sur ce point-là…

Pierre de Firmas (Enedis): Vous ne m’étonnez pas quand vous dites que la plupart de vos membres sont en maison individuelle, car ce n’est pas le fruit du hasard. Qui prend aujourd’hui une voiture électrique ? Même parmi les convaincus de la première heure, ceux qui vont pouvoir trouver une solution de recharge à domicile, parce que les autres sont embêtés. Le résidentiel collectif, c’est vraiment un sujet, parce que 44% des Français vivent en résidentiel collectif. Donc on a fait un sondage, une enquête BVA qu’on a rendue publique, qui donne beaucoup de résultats sur les comportements. On a interrogé des gens qui ont un véhicule électrique. Qui sont-ils ? Où vivent-ils ? Quels sont leurs problèmes ? Les difficultés qu’ils rencontrent ? Cette enquête montre que c’est 89% des gens qui ont un véhicule électrique se rechargent à la maison. Ce n’est pas un hasard.

Tesla Mag: Quelle est votre cible en nombre de copropriétés ? 

Pierre de Firmas (Enedis): En France, on a identifié 180.000 copropriétés qui sont un petit peu le cœur de cible dont on parle: soit 180.000 copropriétés de plus de 10 habitants qui ont un parking. C’est un peu à ce cœur de cible là qu’on pense quand on parle de résidentiel collectif et de l’enjeu d’équiper. On a en tout 14,6 millions de foyers qui vivent en résidentiel collectif. Là-dedans, vous avez à peu près 5 millions qui sont en logement social. Ca fait donc une base de 10 millions qui sont en résidentiel collectif, hors logements sociaux. Après, que représentent les 180.000 copropriétés de plus de 10 habitants, mais cela fait peut-être 3 à 4 millions de personnes qui vivent dans ces logements.

Crédits Enedis

Tesla Mag: Qu’est-ce que le droit à la prise ?

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Pierre de Firmas (Enedis): Aujourd’hui, il y a ce qu’on appelle le droit à la prise : si vous habitez un immeuble collectif et que vous voulez recharger votre véhicule ou faire l’acquisition d’un véhicule, vous pouvez tout à fait demander un droit à la prise et donc un raccordement au distributeur qui doit vous répondre. Le sujet, c’est que d’abord, ça va vous coûter entre 2.000 et 6.000 euros. On peut arriver à un peu moins de 2.000 euros si la configuration est bonne, avec un branchement sur les services généraux de l’immeuble. Le problème, c’est que c’est une solution individuelle, c’est à dire qu’à la limite, ça peut marcher pour vous, mais si vous donnez l’idée à votre voisin, lui, il fait quoi ? Ça ne va plus marcher. Et en plus, même si on fait une deuxième dérivation pour votre voisin, d’abord ça va être anarchique et sous-optimisé, d’un point de vue technique, mais ensuite d’un point de vue économique vous ne vous y retrouvez pas du tout. C’est beaucoup d’argent, entre 2.000 et 6.000 euros. Et ensuite c’est contre l’intérêt collectif. Donc nous, Enedis, nous préconisons une solution collective. Et nous le préconisons aussi parce que nous avons cette vision de l’équipement à grande échelle. On se dit qu’il ne faut pas faire des petits pas, il faut déjà prévoir l’équipement massif. En 2024, on n’aura plus le droit de rouler en diesel à Paris. Beaucoup de choses vont arriver vite…

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Des solutions collectives et des financements concrets, grâce à Enedis et l’Avere, entre autres…

(Interview : Armand Taïeb)

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