Réduire les émissions de gaz à effet de serre, la dépendance énergétique et améliorer la qualité de l’air en milieu urbain : c’est tout l’enjeu du développement des véhicules propres. Cette filière constitue aussi un enjeu industriel majeur pour le secteur automobile. D’où l’intérêt pour le gouvernement de se saisir de la question…

En attendant un remaniement ministériel qui ne va pas changer l’identité des personnes qui sont aux commandes du dispositif, notamment au ministère de la Transition écologique, Tesla Mag a longuement interrogé M. Claude Renard, coordonnateur au déploiement des bornes de recharge pour véhicules électriques sur le territoire français. Interview exclusive.

Premiers lauréats du plan France 2030

Après avoir répondu à un cahier des charges publié sur le site de l’ADEME, plusieurs acteurs du rechargement en France ont reçus une enveloppe d’aide pour accélérer le déploiement des bornes de recharge en France. Voici les grandes lignes de ce cahier des charges:

Le cahier des charges de l’Appel à projet (AAP) France 2030 vise à déclencher un déploiement accéléré d’infrastructures de recharges pour véhicules électriques en zones urbaines et territoires. Les projets doivent comporter un minimum de 100 points de recharge pour les opérateurs privés et 50 points de recharge pour les collectivités.

Chaque station doit avoir au moins 4 points de recharge de puissance unitaire de 150 kW. Des critères supplémentaires sur la qualité de service, l’interopérabilité et la pérennité seront pris en compte. L’appel à projets est ouvert jusqu’au 31 décembre 2024.

BénéficiaireDescriptif du projetAide
Dream Energy35 stations de 170 PDC haute puissance6,8 M€
Electra46 stations de 320 PDC haute puissance8.4 M€
Allego France17 stations de 138 points de charge haute puissance6,3 M€
SYDER9 stations de 72 PDC haute puissance1,7 M€
Total Energies20 stations de 144 points de charge haute puissance4,7 M€
Engie Mobilités Electriques32 stations de 239 points de charge France entière6,6 M€
SOWATT SOLUTIONS19 stations de 70 points de charge haute puissance4,2 ME

Etat des lieux et constats

Le point de départ, c’est forcément un état des lieux sur les ventes de véhicules électriques et hybrides rechargeables en chiffres. Voici les derniers chiffres transmis par le ministère de la Transition écologique:

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Immatriculations en France en 2019 :

42 763 voitures électriques particulières (versus 31 055 en 2018)

18 582 véhicules hybrides rechargeables (versus 13 439 en 2018)

soit une progression de +38 % pour chacun des deux segments.

La progression se poursuit en 2020.

Immatriculations en France sur le premier trimestre 2020 :

25 914 voitures électriques particulières, soit une progression de +146% par rapport au premier trimestre 2019.

9 487 véhicules hybrides rechargeables ont été immatriculés, en progression de +143% par rapport au premier trimestre 2019.

Au 1er avril 2020, on compte donc 312 767 véhicules électriques et hybrides rechargeables en circulation (dont 245 964 véhicules électriques).

2020 : le tournant du véhicule électrique

Depuis 2020, malgré la crise sanitaire, les immatriculations de véhicules électriques connaissent une forte progression, contribuant à modifier en profondeur la composition du parc de véhicules français.  Les ventes de véhicules électriques et hybrides représentent au mois de juin 2021 37,6 % du marché français contre 21,7% en 2020.

En 2021, environ 140 700 voitures hybrides rechargeables (augmentation de 90% par rapport à 2020) et 165 000 voitures électriques (augmentation de 54% par rapport à 2020) ont été immatriculées.

En avril 2022, la part des ventes de voitures électriques était d’environ 12% et celle des voitures hybrides rechargeables était d’environ 9%, soit un total de 21%)) 

A la question de savoir si le déploiement des bornes de recharge électrique suit comme prévu la progression du marché, notamment en termes de bornes de recharge rapide sur autoroutes, M. Renard est très clair dans ses explications: « La moitié des aires de services sur autoroutes désormais équipées de bornes de recharge rapide (164 aires de service), nous en avions moins d’un tiers début 2021 et encore parfois équipées d’une ou deux bornes seulement. Toutes les aires du réseau autoroutier concédé seront équipées de stations de recharge pour véhicules électriques d’ici la fin 2022 (avec en moyenne près de 8 points de recharge par aire).

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En parallèle, l’équipement du réseau routier national non concédé se poursuivra grâce à la mobilisation des services de l’État. Le financement exceptionnel de 100 millions d’euros du plan de relance contribue fortement à ces résultats. Au global, la France compte près de 6 000 bornes haute et très haute puissance en mai 2022 (il est nécessaire de bien préciser les dates car les chiffres évoluent très fortement, en particulier plusieurs dizaines d’aires seront équipés d’ici juillet, anticipant les départs estivaux) qui permettent une recharge en moins de 20 minutes.

Depuis janvier 2021, le nombre de bornes très haute puissance de 150 kW et plus a été doublé. Les bornes de 150 kW répondent aux besoins des nouveaux modèles que les constructeurs mettent sur le marché ».

Une réponse à un besoin

Si « entre 80 et 90% des charges se font à domicile ou sur le lieu de travail », souligne M. Renard, certains conducteurs de VE ont tout de même besoin de pouvoir recharger leur véhicule sur des bornes ouvertes au public. Soit parce qu’ils font de longs trajets, soit parce qu’ils n’en ont pas chez eux. Plusieurs millions de Français n’ayant pas de place de stationnement dédiée…

Néanmoins, le gouvernement a pris la mesure de ce besoin en accompagnant les installations des points de recharge, on en dénombre plus de 60.000 sur le territoire. Certes, « ce n’est pas l’objectif chiffré des 100 000 », mais ce n’est pas non plus un échec, la courbe du déploiement des bornes suit celle du parc de VE. Il faut rappeler que ces bornes ouvertes au public ont un usage complémentaire aux bornes à domicile et aux bornes privées.

Ces dernières permettent d’ailleurs de monter le nombre de bornes total sur le territoire à près d’un million de bornes sur le territoire. Ce développement reste très important, même si cerains le considèrent comme insuffisant.

Rappelons tout de même que « ce maillage fait de la France l’un des pays les mieux équipés d’Europe : plus de 20% des bornes installées en Europe se situent en France ».

L’importance de l’expérience utilisateur, à ne pas négliger !

« Si les bornes sont désormais présentes sur le territoire et permettent un maillage correct, il ne faut pas pour autant omettre l’importance de la puissance. Elle tend à être rapide sur les grands axes routiers, mais moins dans les territoires plus ruraux… Ce qui peut créer des disparités au sein du territoire.

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De plus, les bornes doivent non seulement être « présentes ET fonctionnelles » ! D’autant que les infrastructures sont insuffisantes si les constructeurs automobiles ne suivent pas en termes de puissance autorisée par leurs VE…

Valoriser l’interopérabilité – y compris au niveau européen

Il faut également prendre en considération la simplicité de la recharge. Les opérateurs sont nombreux, « quelque 200 opérateurs de bornes pour plus de 300 opérateurs de mobilité », et, par conséquent, les modalités d’abonnements le sont aussi.

Le but ? « Améliorer l’expérience utilisateur via des conventions entre les opérateurs de recharge ». Par exemple, depuis 2017, il est obligatoire que tout utilisateur puisse payer sur toutes les bornes de France à l’acte sans nécessaire avoir un abonnement spécifique. La carte bleue est un des moyens mais une application mobile via un site internet ou un QR code peut aussi en être un.

La question des cartes et des tarifs préférentiels est tout aussi cruciale. Mais le gouvernement ne peut pas réglementer trop fortement ou être trop prescriptif face à des nouveaux usages de paiement : « ce n’est pas l’esprit ». Enfin, la simplification ultime de la recharge repose sur le principe de « plug and charge ».

Quelles sont les priorités du gouvernement ?

« Faciliter la recharge au bon endroit et à la bonne puissance, ainsi la création de grands hubs de recharge sur le territoire permet l’itinérance, la recharge en résidentiel collectif était très compliquée, plusieurs mesures permettent de faciliter les installations, notamment via la loi d’orientation des mobilités et plus récemment la loi climat et résilience, la mise en oeuvre des schémas directeurs IRVE vont également permettre de définir les priorités au niveau local. Enfin, il est nécessaire de d’accompagner les projets d’investissement, sans oublier les raccordements électriques »

De plus, il faut limiter au maximum les problèmes d’embouteillages au niveau de la recharge. Les pays comme l’Allemagne restent très en avance mais la France se maintient sur le podium de l’ensemble des États membres grâce au déploiement des points de charge.

Faire tomber les barrières à l’électrique

Les flottes d’entreprises ont notamment boosté l’usage des VE, tout comme les collectivités avec l’obligation de verdissement des flottes de véhicules.

« La communication du gouvernement a contribué, avec celle des entreprises et des médias, à rassurer les potentiels intéressés par cette mobilité. La démocratisation est en cours, même si certains freins persistent. La VE est plus écologique sur l’ensemble du cycle, mais elle induit un changement de comportement, globalement positif, qui doit être accepté. En effet, l’itinérance reste différente du thermique : il faut planifier des pauses et le temps de charge est plus long. Mais les barrières sont en train de tomber ! », conclut M. Renard.

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3 commentaires

  1. Le pays le mieux équipé? Oui peut-être, mais par contre le pays où les bornes fonctionnent et sont entretenu, à part certains réseaux, certainement pas.
    J’ai eu quelques sueurs en décembre à La Rochelle, car les infra de recharges étaient soit dédiées a des constructeurs… (oui la concession d’une marque qui commence par V), soit HS (merci Izivia) soit incapable de sortir plus de 20kW…
    Bref… j’ai utilisé une rallonge de 20m et chargé a 1200W.

  2. entre la théorie, et la pratique !
    apres 20 ans en hybride Toyota (une merveille d’efficacité) puis 1 an en Nissan Leaf (du grand tâtonnement, la voiture aux 80 boutons), l’accès au Graal, la Tesla, et son réseau de recharge incomparable !
    celui ci est indispensable, et reste l’obstacle qui empêche l’accès à l’électrique.
    Tesla est loin devant, fournissant un éco-système complet : véhicule-chargeur-réseau apres vente !
    les communes sont certaines loin devant dans leur politique électrique, soit (très) loin derrière, avec des équipements hors d’usage, ou des approches de taxation frénétiques (Hendaye, et Dax, par exemple…)

  3. Il y a aussi un problème de compatibilité des véhicules avec les infrastructures de recharge.
    Si l’on considère que Tesla est une marque étalon de la mobilité électrique, celle qui coche toutes les cases conformes aux normes européennes de charges et reste la plus innovante et ergonomique. Il serait nécessaire d’harmoniser les véhicules pour répondre aux critères minimum d’adéquation des véhicules et des infrastructures de recharge. Je parle ici des marques françaises qui commercialisent des véhicules dépourvus de charge rapide CCS ou n’y donnant accès qu’en option. C’est inadmissible !!! La prise CCS et un chargeur embarqué aux performances minimum doit être imposé par le législateur sous peine de perte du bonus écologique. Ainsi seulement, le véhicule électrique pourra être adopté par tous et utilisé sur un des IRVE avec une tarification affichée de façon claire pour les consommateurs.

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